jeudi 13 juin 2019

Fluctuat nec mergitur

Continuer malgré tout.
renaître ?
Muse - New Born - The Origin of Symmetry
Un peu de musique stimulante ne fait pas de mal ;-)

Continuer "parce qu'il le faut".
Parce que ce qu'on vient de vivre nous remet plus en cause nous même que le projet lui même.
Tout en réfléchissant à comment conduire ce projet pour éviter ces écueils auxquels on n'était pas préparés. Et en gardant en tête tous ceux pour lesquels on s'était préparés.
Parce qu'extérieurement on nous en dresse un bilan globalement positif, au moins relativement aux alentours de notre demi-département en désertification intensive, comme une grande partie de la France.
Et grâce aussi aux amis qui réconfortent quand on est dégoûtés, qui débriefent jusqu'à que l’auto-dévaluation baisse à un niveau acceptable.

Je parlerai dans un prochain article de comment le projet de Maison de Santé Pluriprofessionnelle au sens large s'est restructuré après la discorde ; dans celui-ci le récit est centré sur les médecins installés.


Comment s'est passée la suite médicale-démographiquement parlant :

Pour rappel, à l'ouverture de la maison de santé nous étions 5 médecins, 2 jeunes couples et un ancien. L'article précédent raconte le douloureux départ d'une jeune collègue.
Nous risquions donc de passer de 5 à 4 titulaires.

D'où dès l'été 2016 et pendant plus de 2 ans, plusieurs annonces de recherche de titulaires pour alimenter une offre tentant de répondre à la demande de soins toujours plus importante, les alentours s'effondrant, le navire commençant à couler.
nb : pour limiter la demande, on a restreint le recrutement de nouveaux patients à un secteur géographique (somme toute assez large).
Allégorie du tonneau des Danaïdes 

Heureusement, notre collègue partante a accepté d'être remplacée jusqu'à la fin de l'année 2016, permettant ainsi de moins charger les plannings des autres. Et nous avons trouvé beaucoup de chouettes remplaçants (quasi temps plein pendant 7 mois !), qui ont aimé le projet, ça aide à nous regonfler tout en soufflant.

Toutefois, nous n'avons pas pu trouver de titulaire à l'issue de cette période... Donc fermeture d'un cabinet. A cinq, c'était chargé, mais correct. A quatre, c'était très chargé, surement difficile à tenir sur de nombreuses années. On commençait à s'en inquiéter.
Surtout qu'avec un bref préavis, notre jeune collègue a dû rejoindre sa femme, profilant un passage à 3 titulaires : un couple de 2 jeunes parents et l'ancien collègue quasi septuagénaire.

Heureusement, un de nos amis d'étude (un autre), remplaçant régulier a accepté une collaboration libérale pour fin 2017.
Hélas, ce même sauveur a lui aussi goûté au burn-out en moins de 3 mois... les raisons évoquées étaient plutôt en lien entre une vie privée compliquée sur cette période, mêlée aux lourdeurs du monde libéral installé (trop différentes pour lui de la tranquillité du remplacement ou du monde salarié). Lui ne nous a pas accusé, au contraire nous a remercié de le soutenir en s'excusant pour les complications... ce sur quoi on s'excusait plutôt nous, navrés que notre projet ait encore participé aux difficultés d'un ami... et nous l'avons remercié d'avoir permis de garder un cabinet ouvert, même remplacé, avant de risquer à nouveau de passer à 3 titulaires.

Heureusement, un nouveau titulaire arrivait en relais de cette collaboration début 2018.
Sa femme est originaire du village, ils avaient le projet d'y revenir quand leurs enfants seraient "grands". Installé 20 ans dans un département voisin, il a cédé son cabinet pour concrétiser ce projet et nous secourir. Il a connu la médecine libérale rurale "à l'ancienne", mais de manière évolutive : déjà sensibilisé à la philosophie d'une maison de santé. Très sympathique. Et motivé pour une amplitude horaire conséquente : cinq jours à temps plein (finissant après 20h). Malgré une succession sur son ancien cabinet qui se passait mal, lui laissant gérer en parallèle à distance toutes les crasses possibles... (à l'heure actuel, il clôture juste tous ces problèmes au bout d'un an et demi de lutte). Vu ceux qui l'ont précédé, on s'inquiétait du risque de burn-out, on lui proposait de faire ce qu'on pouvait... mais non, il a les reins solides !
Donc on tenait à 4+ titulaires. Ça allait, jusqu'à ce que notre ancien collègue ait un soucis de santé... dont le pronostic était incertain pendant plus d'un mois, mais finalement s'en sorte, en annonçant tout de même une baisse d'activité pour arrêt courant 2019.

Heureusement, une jeune médecin "du cru" (grands parents du coin) nous a rejoint. Qui nous remplaçait depuis plus de 2 ans. Qui a participé grandement à nous soutenir et faire repartir le projet. Qui avait de longue date (avant même le projet de MSP) dans l'idée d'être le médecin de campagne dans ce coin qui a bercé son enfance. Qui a finalement passé sa thèse et s'est installée il y a 3 mois, nous permettant enfin de repasser (temporairement ?) à 5. Qui est devenue non seulement un pilier de la MSP, mais surtout une amie précieuse au delà du boulot, et on en avait sacrément besoin, c'est salvateur dans ces moments de remise en cause.
Et notre ancien collègue, allant de mieux en mieux, parle de moins en moins de s'arrêter.
On a même eu des contacts d'autres médecins réfléchissants à s'installer par chez nous, arrivant "après la bataille"...

Pfiou, comme on onomatope dans les bédés.
Je ne détaillerai pas ici l’ambiguïté du vécu des patients dans tout ça, à la fois soulagés d'avoir des médecins, et à juste titre déboussolés d'être passé d'un modèle unique pendant 40 ans à tant de changements en à peine 3 ans.
Oserais-je croire pour eux (et pour nous) que les choses vont se stabiliser ?


Espérons que notre MSP "fluctuat nec mergitur" dans le contexte tumultueux de la médecine actuellement...

A suivre.


lundi 10 juin 2019

Un divorce professionnel.

On m'avait dit un jour que l'association en libéral, c'est pire que le mariage.
Peut-être...

Source de l'image : un site d'avocat américain 


Suite de mon blog...après une longue pause.
Je pourrais évoquer tout un tas de raisons à ce silence.
Les blogs, ça n'est plus à la mode. La twittosphère évolue. Manque de temps.
En fait la principale raison est que ça a été très difficile, à un point que je n'étais pas en mesure de le raconter publiquement.

Pour ceux qui (re)découvre le blog, je vous encourage à (re)lire surtout le début.

En quelques mots, je décrivais ici la genèse d'un projet d'installation en médecine générale rurale, en Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP). A quel point la Médecine Générale en tant qu'installé ça me plait. A quel point je trouvais ce projet beau. A quel point j'étais motivé pour faire face à l'adversité.
Une belle histoire qui commençait, 4 jeunes amis médecins (2 couples) qui s'installaient suite au départ de 2 anciens, + 1 autre poursuivant avec nous. nb : 2 couples découvrant de manière concomitante la parentalité (avec impact marqué sur le manque de sommeil) et l'installation, en parallèle de problèmes personnels.
J'ai pu écrire sur ce blog quelques états d'âmes, des galères.
Mais toujours je gardais un certain optimisme. Cet optimisme voulait être contagieux, que par cette lecture, d'autres collègues soient inspirés.

C'est pourquoi, par honnêteté pour ceux qui reviendront ici, je ne peux pas ne pas évoquer comment les difficultés connues ensuite.


Donc la suite du Premier Bilan.


J'y évoquais quelques difficultés de communication. C'était en fait plus grave que je ne le pensais.
A peine 2 mois après cet article, un gros clash a éclaté.

Une de nos jeunes associés était en souffrance, tant sur le plan professionnel que personnel.
Même en en ayant la volonté, nous n'avons pas réussi à comprendre cette souffrance, au contraire, nous y avons probablement contribué de différentes manières, entre autre en se focalisant sur la réussite de ce projet de MSP.
Ce projet a nécessité beaucoup d'énergie, s'est monté très vite, avec peu d'aides, peut-être trop d'investissement de la part de chacun, sans peut-être connaitre bien nos limites.

Sa souffrance a pris une ampleur très importante, elle a dû cesser son activité moins de 9 mois après son installation. Ce départ s'est accompagné d'une forte culpabilisation.

La cause évoquée étant la pression trop importante provoquée par "les leaders" du projet et de sa gestion. Les "leaders" c'est à dire à ce moment de l'histoire : une paramédicale, très motivée, avec un caractère trempé ; ma femme/associée, qui elle aussi ne comptait pas les heures malgré un contexte douloureux (perte de son père) ayant peut-être un impact sur son humeur et son degré d'investissement ; et par association, moi, qui comme évoqué dans l'article du premier bilan commençait à peine à souffler mais était moins investi dans la gestion.
Un "sentiment" de persécution était apparu dans l'ombre, qu'on ignorait totalement, bien qu'on remarquait déjà des signes de souffrance, ce qu'on lui a évoqué en proposant parfois d'en parler, sans succès. Jusqu'à ce que ça explose.

Et sincèrement, quand on fait nous rejoindre des amis envers lesquels on a beaucoup d'estime, dans le but de faire de belles choses ensemble, et que finalement on se retrouve coupable de leur douloureux échec, on s'en veut beaucoup. Briser le bonheur d'amis... :-(
Quand en plus on reçoit de la part d'un de ces amis des accusations insistantes, c'est très difficile, on a du mal à faire la part des choses, si on l'estime vraiment on ne peut ne pas y accorder de crédit. Et à ne pas se trouver monstrueux, quoique les autres puissent nous dire.

Car oui, on nous a beaucoup dit par ailleurs de relativiser ces accusations, qui auraient étés déformées par une souffrance d'un autre ordre, on ne voulait pas se permettre de remettre ses dires en cause.
Et quoi qu'on tentait de faire pour essayer d'améliorer, de s'excuser, de rattraper, cela ne faisait que renforcer le sentiment de persécution, et augmenter la souffrance de tous.
Enfin, la personne qui souffrait le plus, ce n'était pas nous, mais elle. Et tout le monde dans la MSP souffrait par compassion.

Ce cercle vicieux n'a malheureusement pu avoir d'autre issue que par sa fuite.
Son mari a continué avec nous 1 an et demi de plus dans une relative entente, car il restait malgré tout attaché à ce projet, à son travail, à ses patients, mais ce n'était pas tenable de rester distant au quotidien de sa femme en souffrance et son jeune enfant.

...

La cicatrisation a été difficile.
Je pense tout d'abord à eux, lui s'est réinstallé près de sa famille à elle, j'ai peu d'autres nouvelles, je souhaite de tout mon cœur qu'ils trouvent l'équilibre et le bonheur qu'ils méritent.
Ma femme et moi... ça a été long, et on en garde encore un souvenir douloureux. Une forte remise en cause en tout cas. On voit les choses autrement, pour en garder un peu de constructif, il faut apprendre de ses erreurs.
La MSP... le choc a été intense. On a pu rebondir.
Je développerai ça bientôt, quelques articles suivront.



C'est toujours dur un divorce.

dimanche 9 avril 2017

IVG, Misoprostol, Cytotec...

Je déterre ce blog, sans y parler du sujet principal de celui ci... pourtant j'aurai beaucoup de choses à dire. Beaucoup, beaucoup de choses se sont passées depuis le dernier billet. Des choses difficiles, tellement qu'en temps voulu ça aurait été difficile d'en parler. Ça viendra j'espère, je m'efforcerai de trouver le temps !


Un article donc "hors sujet", faisant suite à une formation toute fraîche à l'information des femmes désirant une Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), et la pratique de l'IVG médicamenteuse par les sages-femmes et médecins hors établissement. Faisant suite surtout à de nombreux tweets révoltés contre un détail de la manière dont celle ci est pratiquée (l'utilisation répandue de Cytotec). La violence du débat me fait principalement redouter le fait que des femmes se croient en danger en faisant la démarche d'une IVG médicamenteuse. C'est ce qui me pousse à tenter d’apaiser le débat : au moins pour rassurer ces femmes.

Je vous encourage tous en préambule à lire la dernière version du dossier-guide édité par le Ministère de la Santé :


Guide validé par les instances gouvernementales et réévalué maintenant presque chaque année, dernière version mars 2017. Il contient à peu près tout ce qu'il faut savoir sur l'IVG, et légalement il doit être remis à toute femme "intéressée" par l'IVG. Et croyez moi c'est loin d'être superflu, j'encourage tout soignant concerné à demander à vos ARS de vous les fournir et le lire au moins une fois.
Et je pense inopportun de tenter de débattre sur les modalités d'une IVG en France sans avoir au moins lu ce guide dans son intégralité.


Avant toute chose, je tiens à déclarer que je suis très loin d'être un expert sur le sujet. Mais il m'a semblé utile de me former car l'IVG dans de "bonnes" conditions reste un combat permanent. Et que de discuter de ce sujet ici pouvait être utile, même avec mon défaut d'expertise. Si besoin j'éditerai ce billet au gré des expertises que vos commentaires amèneront.


Je tente pour commencer un bref rappel historique de l'avènement de l'IVG notamment médicamenteuse au niveau national et international :

Vos grands-mères et arrière grands-mères se rappellent d'un temps ou en France se pratiquaient des IVG "clandestines" (ce n'était pas encore légal), et à l'époque beaucoup de femmes souffraient voir mourraient quand, ne pouvant assumer une grossesse non désirée, elle tentaient d'y mettre fin par de dangereux moyens.

L'historique national sur le plan légal est bien rappelé p37 de ce guide, en gros à partir de 1975 et la loi Veil, l'IVG est devenue légale.
D'abord pratiquée chirurgicalement, les techniques ont évoluées, et sont devenues de moins en moins source de souffrance (antalgie, IVG par aspiration, IVG médicamenteuse par anti-progestérone + prostaglandine).

A ce jour, dans certains "pays du sud" (exemple le Brésil), la pratique de l'IVG, qu'elle soit médicamenteuse ou chirurgicale, est encore interdite. Je n'ai pas les détails exacts de ce que je vais dire, je me base sur les souvenirs de ce qu'à raconté une intervenante, je suis preneur de documentation sur ce sujet :
Au Brésil, la morbi-mortalité par IVG clandestine a fortement diminuée quand les femmes on compris qu'elles pouvaient facilement se fournir des analogues des prostaglandines disponibles pour traiter des problèmes gastriques : le Misoprostol (en France connu sous le nom du Cytotec, cp de 200 µg). Ça n'est pas recommandable car pas confortable et risqué de faire ça sans aide et sans anti-progestérone associé, mais c'est infiniment moins risqué que par exemple de se mettre des bouts de métal dans l'utérus.

Cette découverte "clandestine" a d'ailleurs permis une amélioration du confort des processus d'IVG médicamenteuse pré-existant : auparavant les analogues des prostaglandines étaient des produits pas très pratiques et mal tolérés, injectables.
Cette amélioration a donc été adopté, et à conduit à des études par l'industrie pharmaceutique pour confirmer que ces médicaments existants et bien connu étaient tout à fait adapté.
Qui dit étude, dit recherche de rémunération par l'industrie pharmaceutique, cela s'entend parfaitement. Mais une parenthèse au passage : les femmes qui ont expérimenté cette découverte clandestine à leurs risques et péril n'ont pas a ma connaissance été remerciées officiellement ni rémunérées, elles.

Ça a conduit en France à avoir exactement le même médicament (Misoprostol 200 µg en comprimé) à être remboursé au praticien pratiquant l'IVG en une boite de 2 cp (Gymiso), vs le Cytotec existant en boites de 60 cp pour beaucoup moins cher.
Le soignant pratiquant l'IVG utilisant le Cytotec économiserait 15€ "sur le dos de la sécu" qui le rémunère pour se fournir une boite de Misoprostol "autorisée".
Le débat questionne un peu sur la rémunération des soignants, mais surtout sur leur responsabilité et celle des sociétés savantes, vs les pharmaciens, l'Assurance Maladie et l'industrie pharmaceutique.
Ce débat, je n'ai pas la prétention de pouvoir le trancher, même si ça me choque un peu que l'assurance maladie cautionne un prix si haut pour un médicament existant déjà, parfaitement connu, n'apportant pas de progrès par rapport à un autre existant déjà, identique.
PS : ajout à l'article de l'explication donné par le président de la firme commercialisant le Gymiso, sur la "justification" selon lui de ce prix. Intéressant, en prenant en compte quand même le fait qu'il a un conflit d'intérêt notable à la défense de son médicament.
Par contre je souhaiterai (m')assurer que la patiente surtout, mais aussi le pharmacien et le soignant ne soient pas pris en otage ni mise en danger dans ce débat.


En théorie et en pratique, comment ça se passe niveau médicament une IVG médicamenteuse :

La théorie, dans les textes :

lire p13 du guide + l'annexe 3 p30 :

  • une première prise : le Mifépristone, un anti-progestérone qui décolle l’œuf et prépare l'expulsion (80% du travail)
  • une deuxième prise : le Misoprostol, analogue des prostaglandine, qui permet principalement d'expulser.

A noter que le guide, support d'information écrite que je rappelle obligatoire et édité par le ministère de la santé, parle en DCI et non en nom commercial.

Remarques sur les AMM (et donc les notices, basées sur les RCP actualisées, pour info celles du Gymiso disponibles "actualisée" librement sur le site de l'ANSM) des médicaments, et leurs contradictions avec les recommandations, notamment celles du Collège Nationnal des Gynéco-Obstétriciens de France <ICI> p 577 notamment :

  • La mifépristone est indiquée à 600 mg, alors que les sociétés savantes recommandent maintenant 200 mg (même efficacité, grade A). Un seul médicament existe en France, Mifégyne en boite de 3 cp x 200 mg.
    La notice est donc inadaptée à la pratique des soignants, qui ne travaillent donc pas en conformité à l'AMM, "économisent 2 boites sur le dos de la sécu" en n'en administrant qu'un seul. Est ce que ça met en danger la patiente ? Non, peut-être même qu'au contraire, une dose moindre est moins nocive. Comment réagirait une patiente lisant chez elle qu'elle aurait dû en prendre 3 plutôt qu'un ?
  • Le misoprostol, dans le Gymiso en 2 cp de 200 µg ou le MisoOne en 1 cp de 400 µg correspond à la posologie utilisée, par contre est mentionnée une limite d'utilisation à 49 jours d'aménorrhée (7 semaines, ça colle à l'autorisation en ambulatoire).
    Les praticiens hospitaliers utilisant ce produit officiellement jusqu'à 9 semaines d'aménorrhée à des dosages parfois plus élevés sont donc hors AMM. Doivent-ils pour autant priver les patientes de cette possibilité ? nb : cette remarque ne concerne bien évidemment pas la notice patient, mais est valable pour la RCP.
    Est mentionné la prise de ces cp de 36 à 48h après la prise de Mifépristone, là ou les recommandation ne voient pas de différence de 24 à 48h (Grade A). Et le côté pratique (en étant aussi sûr et efficace) pour la patiente qui doit le prendre de 24 à 36h pour des raisons qui lui sont propres, il est où dans l'AMM et la notice ? au passage, même remarque pour le guide, ne proposant qu'à partir de 36h... donc difficile de proposer plus tôt si l'info de référence ne va pas dans ce sens.
    Autre point de désaccord des recommandations avec l'AMM : l'utilisation par des voies alternatives à la voie orale : il n'est utilisé en France que par voie orale, or les recommandations évoquent les avantages et inconvénients des prises par voie buccale, sublinguale voire vaginale. Les recommandations inciteraient donc à des modalités de prise hors AMM, même en délivrant la notice française, on n'aiderait donc pas la patiente. Pour info, voici ce qu'en dit la Revue Prescrire dans son numéro d'avril 2017 (récent donc !) :



Bref, peut-on dire que la notice est la seule source valable d'information dans l'intérêt des patientes ?
Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques ne profitent pas des sous qu'ils gagnent - en demandant un prix démesuré alors que moins cher existe déjà - pour modifier notices et AMM en fonction de l'état de la science et de l'intérêt des patientes ? Pas si actualisées que ça au final ces RCP et notices...


Pour info, les texte de lois sont représentés par l'article L2212 du code de la santé publique, et détaillent l'information à donner aux patientes. Sont clairement mentionnés le guide, les grandes lignes incontournables de l'information orale, ne sont pas mentionnées les notices.
Je ne connais pas suffisamment le reste du CSP pour pouvoir dire si je suis hors la lois quand j'administre à un patient un traitement sans lui donner la notice, cependant... Quand on fait une anesthésie locale à la Xylocaïne à un patient qu'on suture, doit-on lui fournir la notice du produit utilisé ? Quand on lui donne du paracétamol immédiatement parce qu'il a mal, doit on donner la notice ?


Sortons des textes pour revenir à la pratique. Le fait que le Misoprostol 200 µg en cp nommé Cytotec soit délivré/administré aux patientes à la place du Misoprostol 200 µg en cp sous le nom de Gymiso, ou du MisoOne 400 µg en cp est un des nœuds du problème dans le débat enflammant actuellement la twittosphère médicale.
Le problème vient du fait que même si un cp de Cytotec est la même chose (peut-être à quelques excipients près) en prise orale qu'un cp de Mifégyne, le Cytotec est "hors AMM", et que la notice du médicament est moins adapté à une IVG que celle des médicament autorisés, malgré toutes les réserves évoquées si dessus.
Le côté "hors AMM" serait particulièrement problématique quand une patiente souhaitant une IVG se verrait remettre une ordonnance d'une boite de 60 cp de Cytotec, c'est vrai : le pharmacien se retrouve dans l'illégalité d'une délivrance hors AMM à sa patiente, la patiente se retrouverait avec une notice inadaptée (car centrée sur l'indication gastrique de ce médicament), et avec théoriquement 58 cp restant pouvant être utilisés dangereusement ("clandestinement" ?).
Il ne faut absolument pas faire comme ça, on est tous d'accord !
Visiblement, vu les retours de plusieurs pharmaciens, ça se fait, et c'est bien dommage, en tout cas parfaitement illégal. Je me joins à eux pour condamner ces pratiques.

Ce qu'on nous apprend en formation :
Ne surtout pas faire ça (pas d'ordonnance à la patiente), mais de faire une ordonnance pour l'usage professionnel du soignant demandant du Misoprostol 200 µg en cp (obligation légale depuis le 1er janvier 2015 de prescrire en DCI, pas d'obligation de prescrire en nom de spécialité). Et il semble plus pratique de demander d'emblée une boite de 60 comprimés.
Pour info, lire ce tweet d'une pharmacienne  (Lab Majolaine) pour voir les conditions requises pour un pharmaciens. Seul point ambigu : "le nom du médicament", ne précisant pas si la DCI et galénique suffisent ou si le nom commercial est imposé.
Ces comprimés sont gardés par le soignant, qui les délivre à la patiente pour qu'elle les prenne soit au cours de la consultation identifiée pour, soit à domicile, ce qui est plus adapté pour ne pas se retrouver potentiellement à avoir mal, vomir et saigner en pleine salle d'attente ou sur le trajet retour.

On n'est donc pas du tout dans le cas où le pharmacien se retrouve dans l'illégalité envers sa patiente, et la patiente avec une boite pleine.
Pour autant concernant l'illégalité pour le pharmacien liée au Cytotec, le formateur nous a signalé qu'un pharmacien avec qui il travaille comme décrit ci dessus avait subit une remarque décourageante de son pharmacien conseil de la CPAM. Le formateur est donc allé, dans le cadre du Réseaux IVG dont il est membre actif, discuter avec ce pharmacien conseil et les représentants de l'ARS, toute crainte a été dissipée. Bref, faire appel aux Réseaux IVG en cas de problème est une bonne solution en cas de conflits. Nb : réseaux composé de patientes, soignants, assistants sociaux, psychologues...

Et concernant l'information donnée à la patiente :

  • Oralement, l'obtention de ces comprimés est précédé d'au moins 2 consultations, au cours desquelles on donne beaucoup d'informations, entre autre sur le sujet de ce médicament, sa prise et ses effets. Ça ne fait pas tout, c'est praticien dépendant, mais je considère quand même qu'on nous forme plutôt bien à ça. Libre à certains de le remettre en cause...
  • Mais aussi par écrit : le dossier guide cité en début d'article, qui contient une information je rappelle validée par le ministère de la santé et ré-évaluée annuellement. Qui me semble claire. Et qui, je l'espère, a fait l'objet de concertation auprès des patientes, depuis des années qu'il est édité et régulièrement révisé.
  • Enfin, il nous est demandé d'être disponible/joignable, pour/par la patiente prenant ces médicaments. En pratique ce qu'on nous recommande est de laisser notre numéro de téléphone portable. C'est pas rien ! Si elle ne veulent/peuvent pas nous joindre nous, elle peuvent à tout moment prendre contact avec l'établissement avec qui on a signé la convention, censé pouvoir répondre 24h/24 en cas de complication.
Serait-il indispensable en plus de tout ça de disposer de la notice d'un médicament officiellement autorisée dans ce cas, malgré toutes les réserves que j'ai évoqué plus haut ? Si on me le prouve je suis prêt à ré-évaluer ce que sera ma pratique dès que j'aurais l'agrément.


Pour conclure, je dirais que le problèmes dans ce débat reposent principalement sur des considérations économiques (prix des médicaments, voire rémunération des soignant), et peut-être légale (je serai preneur de l'avis d'un juriste pour trancher).
Mais j'espère vraiment que mes remarques viendront dissiper les points de tension entre médecins/sages-femmes et pharmaciens, surtout afin que les patientes ne craignent pas que ce débat les mette en danger.
Et que les soignants voulant se lancer dans les déjà assez difficiles démarches nécessaires à se lancer dans l'IVG ne se découragent pas devant la violence des propos tenus sur Twitter, alors que plus de 130 centres d'IVG ont fermés ces derniers temps... n'en rajoutant pas en étant procéduriers, l'IVG a déjà bien assez de détracteurs comme ça.

Pour info, je rappelle que provoquer le doute sur la dangerosité de l'IVG est depuis peu puni par la loi, reconnu comme un "délit d'entrave à l'IVG" (information vulgarisée ici sur Le Monde).
Je laisse ouvert les commentaires sur cet article, dans la mesure où ils ne me semblent pas constituer un délit d'entrave à l'IVG.
Au dela de la méchante loi, j'incite à bien lire le guide officiel et l'article de Prescrire pour se persuader de l'efficacité et l’innocuité de l'IVG médicamenteuse telle qu'elle est actuellement pratiquée.

Merci à ceux qui auront pris la peine de lire !

Pour les patientes.


PS : je vous encourage fortement à lire les 4 premiers commentaires, poursuivant la réflexion, complétant bien mon article. En allant plutôt dans le sens d'une utilisation vraiment respectueuse de l'AMM.

dimanche 27 mars 2016

MSP, Big Pharma, ARS, NMR... (in)dépendance ?

Quand on parle Maison de Santé Pluriprofessionnelle, est souvent évoqué le problème de l'indépendance (ou pas) de ces structures.




(in)dépendance envers l'industrie pharmaceutique ?

J'ai récemment râlé à plusieurs reprises sur Twitter au sujet de l'acoquinement de le Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé avec Big Pharma, notamment la "Signature d’une convention de revitalisation entre Pfizer et la FFMPS" en janvier 2016, et le fait que les labos convoitent la mane représentée par les MSP (voir ici un autre exemple).

Cela m'attriste profondément... car la plupart des praticiens que je connais œuvrant dans les maisons et pôles de santé sont plutôt éthiquement proches du Formindep que de Big Pharma.
J'aurai bien pu me douter qu'on en arriverait là, voyant la présence importante des labos lors des congrès de la FFMPS, mais peut-être par dissonance cognitive je n'aurai jamais pensé que les labos arriveraient à la tête de cette "Fédération" (qui risque de ne plus trop fédérer les médecins tenant à l'absence de conflits d'intérêts).

Oui, à la tête :
  • Facilimed est un organisme fondé par des membres de la FFMPS, dans un but très utile : fournir des "facilitateurs", faisant tout le travail complexe associé à la MSP.
    En effet, un cabinet individuel de médecin est bien plus simple à gérer qu'une MSP, d'autant plus que la formation à l'administratif et la gestion d'une entreprise est quasi-inexistante dans nos cursus. nb : cela rappelle les AGI proposés par les médecins "privés de désert"
    Des facilitateurs formés à ça, qui nous déchargent du temps médical pour ce faire, c'est bien.
    Que ces facilitateurs, donc gestionnaires et un peu décisionnaires soient dépendants de l'industrie pharmaceutique, ça l'est moins...

    Je suis aussi attristé que le principe de base de cette coopérative initialement indépendante (puisque créée par les professionnels pour les professionnels, qui payaient des professionnels au vrai prix pour les aider), ait été bafoué.
    Je vous invite à parcourir leur site, pas encore mis à jour depuis le partenariat (pas encore le logo de Pfizer), qui reflète l'état d'esprit coopératif, cf leur description en bas de page :


  • Les communications officielles de la FFMPS, même hors Facilimed, affichent sans complexe ce partenariat :

    Avant même le partenariat "de revitalisation" de janvier 2016, Pfizer avait déjà commencé à apparaître dans les moyens de communication de la FFMPS (notamment les WebConférence gérées par ce même labo, censées former les équipes) depuis fin décembre.

Reprenons maintenant ce qui figure dans la charte éthique de la FFMPS :

En laisser infiltrer facilitateurs et formations par un labo, on ne s'en éloignerait pas un peu, de cette indépendance ?

Pour finir au sujet de la FFMPS, je signalerai que l'adhésion coûte 400€ par MSP, et la participation au congrès 200€ par personne, malgré la présence +++ de partenaires.

Est-ce insuffisant pour éviter ces écueils ? Je ne maîtrise pas assez ces questions pour me prononcer. J'aimerai juste savoir combien coûterait l'indépendance.

Doit-on aller jusqu'à la scission de la FFMPS avec un clan "pharma-free" vs un clan "décomplexé" ?
Cela m'attriste quand même un peu, vu tout ce que la FFMPS a fait de positif et d'essentiel pour les Maisons et Pôles de Santé Pluriprofessionnels jusqu'à ce jour, et indirectement pour notre propre projet.

Impression de cracher dans la soupe (ou potage), de scier la branche sur laquelle on repose, mais c'est comme ça. J'espère que l'avenir verra une inversion de la tendance...


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Aborder l'indépendance des Maisons et Pôles de Santé ne peut s'évoquer sans aborder les subventions publiques des MSP.


(in)dépendance envers les autorités sanitaires ?

Est aussi souvent discuté la dépendance envers les institutions étatiques qui peuvent intervenir dans le financement, donc aussi source de conflit d'intérêt.

J'ai personnellement accepté ce risque de "conflit d'intérêt" (comparable à la convention de la sécu), simplement parce que si beaucoup de mes confrères disent que l'état ne fait rien pour les médecins de nos jours, moi je trouve qu'il propose beaucoup pour les MSP avec des compromis acceptables.
C'est pourquoi je prendrai notre cas pour illustrer, en reconnaissant bien que si ça nous va bien à nous, ça n'est pas forcément adapté à tout le monde.

Je ferais la distinction entre avantages fixes et évolutifs pour une raison simple :
  • Les avantages fixes sont payés une seule fois, en général au début du projet, ensuite on n'en parle plus.
  • Les avantages évolutifs peuvent se répéter chaque année, mais aussi être remis en cause pour plusieurs raisons : inadéquation entre ce que demandent les autorités sanitaires et ce que les praticiens acceptent de proposer, remise en cause de ces subventions, changement de système, etc.

Avantages "fixes" du statut / de la reconnaissance en tant que MSP

La reconnaissance par l'Agence Régionale de Santé (ARS), ouvre la porte à des subventions départementales, régionales, nationales, etc. :

  • la construction de notre MSP a été subventionné pour moitié par des aides de ce type dont le sésame était la reconnaissance par l'ARS. nb : l'autre moitié est un emprunt payée par nos loyers. Et la construction subventionnée était pour nous à la fois indispensable (anciens cabinets médecin et paramédicaux vétustes, souhait de se regrouper) et ne devait pas représenter un boulet (hors de question de commencer notre carrière en étant prisonnier d'un emprunt).
  • + un bonus : 30.000€ payé directement par l'ARS elle même dans le cadre du Fond d'Intervention Régionale (FIR), pour équiper le bâtiment (meubles...) et certains autres éléments de mise en place (installation logiciel, avocat pour statut de la SISA...).

On s'engage à respecter une certaine vision de l'offre de soin compatible avec des besoins, on nous donne des sous, c'est aussi simple que ça. Et une fois payé, c'est payé. Donc peut-être dépendance préalable, mais pas de "dépendance" durable envers les autorités.
nb : là aussi, les "privés de désert" étaient visionnaires, ils demandaient que les collectivités locales et ARS construisent. Vœux exaucé chez nous :-)


Avantages "évolutifs" des Nouveaux Modes de Rémunération, alias NMR

Comme dit plus haut, la pérennité de ces avantages n'est pas garantie.

C'est un point essentiel : il ne faut surtout pas dépendre de ces rémunérations pour fonctionner, cela ne doit représenter qu'un bonus pour faire des actions spécifiques, faire des choses en plus, ou parfois être payé pour des choses pour lesquelles la convention de la sécu ne prévoit rien mais qu'on ferait quand même.

Certaines MSP disent avoir été piégées par ce fait... cf cette MSP dîte "ARS-dépendante".

En prenant en compte cette précaution, les règles du jeux sont claires.
Voici comment ces subventions sont calculées, cf ce tableau xls (pour simuler combien ça peut rapporter), ou le texte officiel de l'arrêté sur Légifrance (tableau au milieu de la page).

Mon avis sur les NMR : principe comparable à la ROSP, mais personnellement je trouve les conditions demandées pour toucher les NMR beaucoup plus acceptables que certains objectifs très discutable sur le plan scientifique des ROSP.
Pour le coup, je ne peux que remercier la FFMPS d'avoir abouti au bout de longues tractation à ça.

Je reprend encore notre cas, en détaillant point par point :

  • Accès aux soins :
    • est demandé 8h-20h en semaine et 8h-12h, soins non programmés, coordination des soins ; avant notre projet de MSP, 3 médecins en 2 cabinets avaient une amplitude horaire plus large que ça (notamment le samedi). Maintenant, on est 5, en se répartissant, cela représente une baisse notable de la charge de travail par médecin... et on est payé pour ça !
    • consultation de praticien de second recours, dentiste ou sage-femme : le projet a permis d'attirer une sage-femme
    • au moins 3 professions paramédicales présentes : c'est bon, notamment lié au fait que le projet de santé à attiré 2 orthophonistes (qui manquaient +++) et une podologue
      => double bénéfice : on attire, on est payé.
  • Travail en équipe pluriprofessionnelle :
    • établir des protocoles + se réunir sur des thèmes de santé très généraux, qu'on choisi nous même, avec des objectifs qu'on se fixe nous même (très différent de la ROSP).
      Je ne me vois pas bosser autrement, dans mon milieu rural sans EHPAD avec un objectif marqué de maintien à domicile : si on n'est pas cohérent en pluripro, c'est au détriment de la prise en charge des patients complexes.
      Le fait que ce principe de coopération soit gravé dans le marbre a été un des points attractifs à la fois pour les médecins et les paramédicaux ; et le fait d'être en plus payé pour cela est incitatif (pas indispensable) en terme de qualité.
    • formation de jeunes professionnels de santé : il est prévu qu'un soit une maison de santé universitaire. On ne bosserai pas en MSP, on souhaiterai quand même avoir des étudiants. On va donc être doublement rémunéré pour cette mission.
      nb : au passage encore un rappel aux privés de désert : l'idée des MUSt, Maisons Universitaires de Santé 
  • Système d'information conforme au cahier des charges ASIP santé :
    ça nous va très bien, on comptait changer les vieux logiciels des prédécesseurs d'une part, et prendre un logiciel dématérialisé d'autre part (intérêt : disponible hors MSP, partage avec professionnels du pôle de santé hors des murs de la MSP, techniquement moins lourd). On a trouvé ce qu'il nous fallait, et tous les professionnels y sont dessus, avec partage d'information configurable selon les desiderata des patients. Et bien ce logiciel pourra au moins en parti être financé par les NMR, ce qui est une incitation utile notamment aux paramédicaux (les logiciels concernés étant à la base plutôt prévus pour les médecins, même si les volets paramédicaux progressent).

Vous trouvez vraiment ça lourd ? Comme vous voyez, pour nous ça pose aucun soucis.
Dans notre cas particulier bien sûr, pas extrapolable à tous.

Quant au fait de ne pas en être dépendant, on l'expérimente déjà étant donné que bien qu'on réponde à tous les critères, on n'a pas encore fait notre demande pour toucher les NMR, ainsi on voit bien si on peut fonctionner sans, en cas d'inadéquation future. Quand on les toucheras, ça allégera simplement les coûts de gestion en payant un peu le secrétariat, l'informatique, et nos actions coordonnées dans l'intérêt du patient, mais ne sera aucunement indispensable à notre pérennité.

Enfin, quant à nos rapport à l'ARS, vu les règles du jeu actuelles plutôt souples, je pense qu'on peut continuer de travailler dans la bonne entente, comme cela a été le cas depuis le début du projet.

Pour mémoire, tant qu'on est dans le thème de l'indépendance, une dernière parenthèse en rappelant que je me suis déjà "frité" avec cette même ARS, qui s'était véhémentement vexée quand j'avais exprimé mon étonnement suite à la présence de laboratoires pharmaceutiques lors d'une réunion co-organisée par eux.
Et bien cela n'a eu aucune influence sur mon projet de MSP : je n'ai pas eu à me rétracter ou faire de compromis, tout comme je ne me suis pas pour autant éloigné d'eux, et ils ne nous ont pas pénalisé, au contraire, notre projet a été aidé, et l'un de ceux accueillis les plus favorablement.


Conclusion : 

  • L'indépendance est un combat permanent que chacun doit mener, on ne peut pas forcément compter sur ses représentants... voir parfois s'en détourner ? #FFMPS
  • La notion d'indépendance en médecine en France est relative étant donné que l'Etat est payeur. Dans le cas des MSP, le compromis proposé me semble au moins aussi acceptable que la convention, plus acceptable que la ROSP. Mais cette aide doit rester à tout prix un bonus, et non un impératif si on ne veut pas se retrouver trop dépendant.
  • Dans certains coins comme le notre, sans aide de ce type, le désert médical aurait vraiment existé (cf l'histoire décrite dans ce blog), je ne vois vraiment pas de scénario alternatif
  • La MSP n'est pas pour autant la panacée. J'ai beaucoup développé à quel point c'était parfaitement adapté à notre projet, mais je conçois tout à fait qu'en d'autres lieux dans d'autres conditions ce ne soit pas du tout le cas. D'où l'intérêt de ne pas en faire un modèle unique imposé, mais un modèle - certes très adapté à beaucoup de situations - parmi d'autres.

et PS hors sujet développé sur cet article : content de voir que la vision des privés de désert ait inspiré, au moins partiellement, la vision des maisons de santé :-)

jeudi 24 mars 2016

MSP : premier bilan



Bon, ça fait quasi 6 mois depuis le dernier article.
6 mois d'ouverture de notre belle Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP).

Il serait temps que je donne suite avec un petit compte rendu.

Je vais essayer de faire pas trop long, et éventuellement j'essayerai de détailler sur d'autres articles ce qui mérite d'être développé. N'hésitez pas à me demander des précisions, ou à donner votre point de vue !



Tout d'abord, il est clair que je ne regrette absolument pas mes 9 mois de gestation installé à l'ancienne (cf articles précédents pour les détails).

Maintenant, j'ai toujours peu de temps libre, cependant c'est plus lié au fait que je profite de mon statut de jeune papa que à cause du boulot, donc l'objectif souhaité d'une meilleure balance entre vie professionnelle et vie privée est mieux respecté.

Par ailleurs, la structure et surtout l'organisation du travail permettent de vraiment se concentrer sur le patient, tout en assurant une continuité des soins confortable grâce aux secrétaires, au travail en équipe entre médecins, mais aussi avec les paramédicaux.

Un point sur lequel je suis quand même un peu déçu : la communication inter-professionnelle n'est pas encore tout à fait au point. Pour beaucoup de raisons. La principale est qu'on est débordés, et on n'a pas (encore) bloqué sur nos plannings des moments systématiques de réunions. Et on est tellement chargés qu'on a du mal à libérer ce temps nécessaire. Heureusement la proximité géographique fait qu'on se parle, mais parfois trop vite.

J'en suis un peu déçu, de même que de la prise en charge des patients pas assez consensuelle à mon goût, et je pense l'exprimer peut-être par une frustration énervante pour mes collègues, avec le risque d'un cercle vicieux fermant encore plus la communication. La solution : des groupes de pairs ? Là aussi, on a peur de ne pas en avoir le temps...
Conseil à des projets similaires : anticipez ++ en prévoyant ces temps de réunion avant d'être saturé.

Ce nouveau système semble en tout cas convenir aux patients, bien qu'une période d'adaptation a été nécessaire : les anciens médecins étaient quand même là depuis plus de 35 ans et ont été à juste titre appréciés par la population.

Mais passer du sans-rendez-vous-permanent-avec-une-médecin-non-associée-qui-bossait-18h/j à du tout-sur-rendez-vous-avec-5-médecins-différents, que quand c'est "urgent" on tombe pas forcément sur "son" médecin, et que parfois on nous dit que le rendez-vous semi-urgent c'est pas avant au moins demain alors qu'avant c'était quand on voulait quel que soit le motif... ça n'a pas été tout à fait facile, ni pour les patients, ni pour les secrétaires qui n'avaient pas du tout ce rôle de tri auparavant.
C'est l'autre principal point restant à résoudre à mon avis : la bonne régulation téléphonique des appels. Si vous avez des pistes de formation, de méthode, je suis preneur.

Cela convient malgré tout aux anciens patients, mais aussi à beaucoup de nouveaux : beaucoup de patients du canton (que je rappelle rural et vaste) se faisaient soigner alentours en raison de la saturation locale. La saturation s'est maintenant inversée : les patients du coin (re)viennent se faire soigner avec plaisir, appréciant cette structure près de chez eux, et c'est très positif. Ce qui est par contre inquiétant, c'est que des patients alentours (> 20 km) commencent à affluer... alors qu'on est déjà chargés.

Niveau murs, la maison de santé est vraiment chouette, agréable, sans être tape à l’œil (ce qui à mon avis plombe les coûts de certaines autres MSP en difficulté). Des plâtres ont été essuyés (problèmes de plomberie, problèmes de stabilité d'internet alors qu'ont utilise des outils en ligne, chauffage mal réglé...) mais dans l'ensemble ça va, on s'y voit pour longtemps !

Enfin, un signe de l'adaptation de ce système aux demandes des médecins de notre génération : avant la MSP il était très difficile de trouver un remplaçant, maintenant en décrivant les conditions de travail, à peine une annonce est postée que plusieurs postulants nous contactent.

Au final, nous sommes encore pour l'instant sereins quant à l'avenir local, bien qu'après être passés de 3 à 5 médecins, nous ne cracherions pas sur un 6ème médecin vu les points de quasi-saturation évoqués. Mais la structure étant attractive, on a déjà au moins une piste.

La solution à nos problèmes de temps, ou la poursuite de l'inflation ?

L'avenir nous le dira :-)

...à suivre...
dans moins de 6 mois, j'vas essayer !

mercredi 30 septembre 2015

Le rêve(il)

Un dernier billet difficile, avant des plus chouettes hein, allez, siouplait, dîtes ??? :-)

September ends...


WAKE UP!


Bon, ça arrive. C'est bientôt.

Genre l’ouverture de la Maison de Santé évoquée dans ce blog c'est demain en fait...

Une dernière journée de dingue,  un dodo et c'est bon !

J'en aurais chié quand même. 3 ans qu'on est sur le coup. 9 mois que je suis installé "à l'ancienne", en attendant...

Un été sans vacances ou presque, à gérer à l'arrache les derniers "détails" (en fait de détails, à peu près tout : le fonctionnement du bâtiment, des professionnels, des salariés, de la logistique, etc.).

Réfléchir à tout ce genre de chose quand j'étais remplaçant, genre l'an dernier quand on s'est tapé la confection du Projet de Santé (dossier conséquent, présenté à l'ARS pour débloquer autorisations et subventions, disant en gros ce qu'est la santé dans le territoire actuellement, ce qu'on prévoit pour tenter d'améliorer la situation en se groupant, le tout relativement sérieux car des projets parfois travaillés/présentés depuis longtemps sont refusés... mais on l'a fait en 2 mois et accepté sans soucis :-) alors qu'on finalisait nos thèses entre quelques gros remplas, ben ça allait, on avait droit à des breaks ensuite quand on voulait, reprendre son souffle c'est important, sinon c'est chiant, on craque, comme en lisant cette phrase/paragraphe trop longue.

Et bien pendant 9 mois j'ai pas soufflé, toujours sur la brèche. Et après je vais vous dire que s'installer il faut, c'est trop cool, on m'en félicite alors que je burnoute allègrement, et ces dernières semaines n'en parlons pas vu le sprint final surréaliste dont on touche à peine du bout du doigt la ligne d'arrivée depuis quelques jours.

Je pense que j'ai vraiment connu ce qu'étaient des conditions de travail burnoutantes comme malheureusement trop de médecins connaissent et n'évitent pas assez. Ajouté aux difficultées professionnelles des soucis familiaux - sans rapport avec mon travail mais probablement plus durs à vivre en étant déjà épuisé - dans la dernière ligne droite, j'ai quasi craqué.

J'ai tenu parce que quand même la MG installé c'est intellectuellement vraiment cool, que les patients sont adorables, mais surtout sachant que la porte était ouverte vers ce que je voulais vraiment, qu'on a travaillé pour coller à notre idéal, qu'il y avait une date, et que mes amis/remplaçants réguliers/futurs associés ont été un soutien sans limite, la lueur dans les ténèbres.

La suite, hein, ça sera bien mieux hein : fini sans le rendez-vous du matin qui se fini à 15h20 comme hier quand on bosse aussi l'aprem, le boulot seul dans son cabinet, l'absence de secrétaire et le téléphone qui sonne, fini de gérer seul l'informatisation, d'assumer en plus de mon boulot une partie de celui de mon associé inorganisé, fini la journée ou je vois mon fils dormir en partant et en rentrant, fini les locaux #CauchemardEnCabinet.

Une parenthèse se ferme, une page se tourne, on va reprendre le "s'installer il faut, c'est trop cool". Et disons qu'on essai de recoller aussi à la belle histoire annoncée au début de ce blog, avec juste une intro un peu hardcore.


Le jour VA se lever demain.


à bientôt pour du mieux !

dimanche 6 septembre 2015

Le sprint final...


Ça y est, on touche au but.

La bonne nouvelle : plus longtemps à tenir ce mode de vie exténuant, c'est pour début octobre, donc musique de circonstance :

Wake me up when september ends
#badumtshhhh
(oui encore du Green Day, rassurez-vous j'écoute pas du tout que ça, par ailleurs je suis bien moins fan de celle là que de la précédente, mais vu que ça fait des mois que j'aimerai roupiller en attendant l'ouverture when september ends pour qu'on me wake me up, le cœur telle une grenade prête à dégoupiller, tout ça, ben je la mets :-p)

Dans moins d'un mois à date précise doit ouvrir la maison de santé, l'aboutissement du projet dont je vous ai déjà parlé dès le début de ce blog.

Et on a pas le choix dans la date (!), on ne peut reporter : pour le déménagement, des professionnels ont résilié leurs anciens abonnements, loyers, etc. à la veille au soir, un des anciens médecins pend sa retraite ce jour là (les nouveaux s'installant), les secrétaires devront répondre au tel, etc.
Y'a même eu une réunion publique pour l’annoncer, sous fond de grandes tensions financières d'une collectivité territoriale quasi ruinée (ça a plus débattu gros sous que projet de santé...).
La population est donc prévenue de la date, les premiers rendez vous dans la nouvelle structure vont bientôt commencer à être posés par nous +/- par internet.
Faut dire que déjà, depuis 2 ans et demi on a pas chaumé.

Et ben pourtant c'est pas encore gagné :

  • à l'heure actuelle on n'a pas encore l'électricité... Le vote d'une extension de budget pour le compteur électrique n'a eu lieu auprès de nous élus qu'il y a 3 semaines
  • en démarchant les opérateurs télécoms on s'est rendu compte in extremis (nous usagers et non les bâtisseurs propriétaires) que la bâtiment n'était pas raccordé au réseau téléphonique (et sans téléphone ni internet, ben on peut pas bosser... donc pas ouvrir) ; c'est le point le plus critique je dirais
  • dans le genre, pas (encore) de boite au lettres même si le courrier arrive déjà
  • on sera locataire mais on n'a pas même pas encore signé le moindre contrat de location
  • pas encore défini qui fait le ménage
  • les secrétaires on les a mais pas encore moyen de contractualiser 
  • la structure juridique (une SISA, qui chapeaute le tout, est employeur, etc.) rame à être mise en place 
  • les clefs de répartition des coûts entre les professionnels ne sont pas du tout définis 
  • pas de règlement intérieur écrit (pourtant on nous a dit que c'est très important)
  • on (les professionnels de santé) n'est pas invité à la pré-livraison ni la livraison du bâtiment, qui devrait être à peine une semaine avant l'ouverture si pas trop de retard (youpi l'aménagement simple et la livraison de trucs lourds genre tables d'examen)
  • d'ailleurs y'a pleins de trucs qu'on a pas encore commandé, voire qu'on ignore nécessiter à ce jour
  • divers détails moins graves si pas réglés pour la rentrée mais quand même : pas de structure pour mettre nos plaques, et autres petits éléments manquants dans le bâtiment...
Bref, TOUT VA BIEN !

Autant dire que les prochains jours vont être longs...
Et que c'est l'enfer pour faire tout ça en plus de la vrai vie personnelle et professionnelle et professionnelle bien chargé de toute l'équipe rejoignant le navire.

Mais heureusement, ce qu'il y a au bout nous plaît, on en rêve tous, alors on se serre les coudes et on met les bouchées doubles, ça fait d'ailleurs plaisir à voir l'esprit d'équipe qui se dégage, c'est de très bon augure pour la suite :-)

Et heureusement car l'idée de quelques jours de retard ne nous parait tout simplement pas acceptable.

Conclusion :
Ça va être chouette ! (bientôt) (mais pas encore tout de suite) (mais il me tarde) (mais c'est pas gagné)



PS pour expliquer en quelques mots toutes ces choses restant à faire au dernier moment :
On a signé un protocole cadre avec la collectivité locale que début juillet, ça a traîné malgré nos demandes depuis un an, puis on nous proposait des loyers aberrants alors il a fallut négocier.
Et tant qu'on avait pas cadré ça, pas question d'engager des démarches, sinon on aurait été piégé.
On a choisi d'être locataire d'un bâtiment appartenant à la collectivité, ça a quelques inconvénients, mais ça a l'avantage de laisser la porte ouverte, une issue de secours pour fuir si ça se passait mal. C'est important :-)


Fluctuat nec mergitur

Continuer malgré tout. renaître ? Muse - New Born - The Origin of Symmetry Un peu de musique stimulante ne fait pas de mal ;-) C...